dimanche 16 mars 2008

Effectivement

j'ai des visages au bord des yeux
des visages comme des portes
grinçantes
j'ai des mots au bord de l'épuisement généralisé
il suffit juste d'un peu les pousser
pour les voir mourir dans les lagunes
d'autres esprits, de gens que je ne
connais pas

j'ai des divisions internes à en faire pâlir le parti socialiste

des tergiversations avec rien, des rires nihilistes expédiés sur des chemins coupés en quatre

je ne parle pas de mes cheveux, siège de mes obsessions
elles s'y assoient et devisent, ces vieilles dames un peu bigotes ont trouvé leur lieu commun
elles prennent le thé, lève un doigt mouillé pour savoir d'où la pluie va venir

elles essaient de faire la balance avec le vent...


j'ai la rumeur
en trois cent millions de bruits extérieurs

et moi, et moi, et moi

et puis : mon surmoi s'est mis au chômage, il a troqué son costard cravate contre un survêt' crasseux

est-ce bon signe, n'est-ce pas?


dimanche 9 mars 2008

Que sera, sera

Je n'ai plus d'adages
à donner en partage : écoute
....... mon ventre, zone fragile,
et le jazz, même si.

j'ai toujours mal au-dedans,
je ne suis pas résolue
au manque d'harmonie ....... comme harmonie
mais je suis convaincue par
la musique du hasard

en notes 'de blog'
et la voix intime
qui efface et maintient
la pudeur, corde, et liane tranche l'espace vide
en se balançant
ironique
et d'un côté le choix et de l'autre
rien.

je suis pieds et poings liés

à une tentation
...............qui ne me tente pas

à des cauchemars qui
..........ne m'effraient pas

à un fantôme
...............................qui ne me hante pas

je n'ai plus d'adages
à donner en partage


je n'ai qu'une parole.

.

jeudi 6 mars 2008

Elsa (5)

Elle est assise au fond de la salle, enfonçant son opulence avec béatitude dans le fauteuil de velours rouge.

La maladie n'est pas loin, à lui mettre l'esprit coupé en quatre, mais en une espèce de miracle, elle a retrouvé quelque peu de sa conscience, de sa liesse.

Elle doit soutenir celui qu'elle aime, le voir dans la lumière avant qu'elle n'entre dans l'ombre - elle se dit ce genre de choses, oui, avec un peu d'ironie et de la tendresse, plus pour elle-même que pour lui.

Elle sait qu'elle s'est mal comportée, qu'elle l'a convoqué à sa colère, à cette rage qu'elle se trimballe partout, qui masque moins sa peur qu'elle ne le pense. Elle a dit des mots plein de hargne, des phrases irréversibles : Des tas d'accusations proférées à tort qui ne l'ont pas le moins du monde soulagées.

Elle sourit parce que ce serait tellement surprenant qu'elle ait raison qu'elle ne comprend plus ce que sa tête s'efforce de nuancer avec ses à tort, comme si elle repassait au stylo rouge accusateur certains méandres de sa pensée.

Dans la pénombre, elle perçoit à travers ses yeux fermés la différente luminosité des images qui défilent, elle sent la peur rôder, même si les médicaments l'émiettent considérablement.

Pour qu'elle retrouve son unité, pour qu'elle l'affronte, il faudrait qu'elle parte à sa recherche comme le Petit Poucet l'aurait fait.

Elle pousse un soupir, elle est bien trop fatiguée.

Et puis, elle devine sa présence dans l'ombre, elle sait qu'il est tendu vers son discours, vers les yeux des spectateurs. Il parlera comme il sait si bien le faire. Et à cette idée, elle se sent envahie par un immense sentiment de repentir et de désarroi...

Pourrait-il l'aimer encore? L'a-t-elle trop abîmé?

Son cœur bat plus vite et elle suffoque presque, lorsqu'un main secourable vient attraper la sienne.

Elle qui se croyait seule! Mais non... Elsa est assise à côté d'elle. Ah! La pauvre gosse...

On dirait qu'il y a quelque chose de brisé chez elle : elle semble abriter une pièce qui renferme un trésor fabuleux, mais dont la poignée serait cassée. On pourrait regarder pour le trou de la serrure pour s'en faire une idée... Mais même Elsa n'ose pas.

Hortense pourrait lui dire ce genre de choses mais elle a perdu la manière, avant de les avoir perdues toutes.

La lumière se rallume... Et les applaudissements grossissent tandis que Simon entre sur scène.
Elle n'en croit pas ses oreilles quand au bout de quelques minutes, elle l'entend prononcer son prénom, Hortense comme étiré dans un sourire, une reconquête, une grâce.

Elsa l'aide à se lever et l'accompagne jusqu'à la petite estrade.

Et devant cette centaine de personnes, Simon se prend à l'écraser de mots de dépit, et de haine.

Elle se laisse tomber sur la scène, estomaquée, elle ferme les yeux, et couvre ses oreilles de ses deux mains bien qu'elle ne comprenne déjà plus un traître mot de ce qu'il dit.

Il ne lui laisse plus aucun répit et continue à lui assener sa terrible justice sans qu'elle ne puisse se défendre. Seule Elsa à ses côtés la soutient, tandis que le public peut la voir, rouge de pleurs, bavant et gémissant une souffrance qu'elle ne peut pas endiguer.

Puis tout s'efface sans qu'elle sache comment, les bruits et la lumière s'éloignant doucement jusqu'à se taire.

***

Elsa était en train de préparer la salade quand Hortense vint la voir et lui dit : "hier j'ai rêvé de toi, et il y avait mon mari aussi, qu'il était beau!"
Elsa sourit et l'embrassa.

mardi 4 mars 2008

A la chaîne

Ardalia m'a enchaînée, afin que je fasse un petit topo sur ces blogs dont je guette les flux RSS...
Comme elle le souligne si bien, plus que de blogs, il s'agit de personnes, avec qui l'on partage quelques bouts de mots, de vie... Une façon de dire : "regardez ce que je lis, vous verrez qu... c'est vachement bien"
Bref, je me lance.

Ab6 désordonnée
... Ca doit être le blog que je suis depuis le plus longtemps (2 ans et des poussières), une femme comme on en fait plus (comme on en a jamais fait?), avec des histoires aux confins du tragi-comique... (ça le fait, hein?)

Plus récent, mais tout aussi admiré, le blog de Sygne : Mal Femmée, elle est infiniment poétique et généreuse quoiqu'elle en dise.

Il y a aussi Charlotte, passionnée et passionnante, dont je suis les pérégrinations plutôt rocambolesques. :)

Mlle Bille
, à la gouaille hystéro-comique et à l'imaginaire enfoncé les pieds dans le plat.

Ardalia elle-même, que je lis et avec qui je devise de la même manière : humblement et sans tabou, avec des vrais morceaux de rires.

Zoridae, une belle écriture, une belle personne. Un beau roman, bientôt?

Voilà, voilà, la patate est à qui n'en veut...

samedi 1 mars 2008

Il n'y a pas de fumée sans feu

C'est la veille de Noël. 1986, mon frère n'est pas encore né. J'ai deux ans. Je dois faire la sieste, mais déjà, je n'aime pas dormir.

Plus tard, je dirai : "dormir est une perte de temps", et cela fera sourire mes parents. L'adolescence viendra et une dépression muselée, qui me sera étrangère, ce sera celle de l'autre, celle qui se tait ou qui hurle, celle avec qui je me fondrais dans un sommeil pénible, comme si l'oubli pouvait se rattraper.

Je descends les escaliers, seule. Ils sont raides, et semblent interminables, une marche après l'autre, je me laisse glisser. Je n'ai pas vraiment peur, puisque je suis toute à l'appréhension du refus de ma mère, de son impatience à me voir debout, éveillée. Je marche jusqu'à la cuisine où je me souviens avec netteté non pas de l'odeur, mais de ce qu'y prépare ma mère : des dattes, des fruits secs dans une robe de pâte d'amande. Il y a d'autres personnes, je peux en percevoir les éclats de voix, leurs mouvements affairés, déliés, leurs corps qui en préparant le repas, sont tendus comme une corde raide, traversant le temps vers la soirée qui se déroulera d'ici quelques heures... Je le sens, comme je sens aujourd'hui le clavier sous mes doigts.
Je n'ai cependant d'yeux que pour elle, m'attendant à ce qu'elle s'énerve, et puis, non. Elle me prend dans ses bras, elle m'explique ce qu'elle prépare, que c'est trop chaud parce qu'il y a aussi du caramel alors qu'on ne peut pas le manger pour le moment. Je me sens envahie par un immense soulagement, alors elle m'aime? Interrogation inquiète... Le fait qu'elle ne me refuse pas ne tend pas à répondre à cette question définitivement, je me sens simplement chanceuse.

Quelques années plus tard, une autre maison, une autre veille de Noël, la sieste toujours impérative. Je ne veux pas aller me coucher, comme à mon habitude. Elle m'emmène dans sa chambre, et se couche à mes côtés. Je la sens près de moi... Quelle joie, je peux profiter de sa présence, qui me rassure, je n'ai peur de rien, au fond, si ce n'est de la place qu'elle a pour moi et qu'elle laisse trop souvent vide, si ce n'est de son absence, donc.
Quand je me réveille, je suis surprise d'avoir dormi, et je me sens comme trahie. Elle a usé de son pouvoir pour m'obliger à faire ce que je n'avais pas envie de faire.
Elle enfonce le clou en me disant d'une voix un peu sarcastique "ah ben tu vois".
Elle ne se rend pas compte...

J'ai 15 ans et je hurle, et je pleure, et je m'effondre sur moi-même et en moi-même, de rage, de frustration, de désespoir. Sauf que je ne le sais pas. Je ne sais pas pourquoi je suis dans un tel état, je ne comprends pas ce qui m'a amenée là. Je viens simplement de me disputer avec ma mère, à propos de rien, de tout, je ne sais même plus.
Elle me regarde avec un dégoût et un mépris qui me giflent et stoppent la crise, elle se moque de moi, je me donne en spectacle, je ne sais pas me tenir, je suis excessive, irraisonnée, inappropriée. J'ai le goût salé de mes larmes et de ma morve dans la bouche.
Les raisons de ma conduite se perdent inexorablement dans une honte immense, un bloc de béton qui m'empêche de respirer convenablement.

Je réapprends en fumant mes premières cigarettes.

J'ai 23 ans et je suis assise sur le canapé aux côtés de mon fiancé, que je présente à ma famille. J'explique à mon grand-père que je vais reprendre mes études. Ma grand-mère demande à ma mère comment je vais faire pour vivre. Après tant d'années perdues à échouer (à être échouée), je n'ai plus droit aux bourses. Je travaille depuis 3 ans et me débrouille par moi-même. Ma mère dit un peu vite, un peu méchamment que je vais travailler, que je n'ai pas le choix. C'est le langage de ma mère, ça, l'échec, je ne mérite plus d'aide, ni de soutien, selon elle. Elle affirme ça en oubliant gracieusement que seul mon père m'a aidée matériellement, et puis, j'ai beau cherché, il ne me semble jamais avoir réussi à ses yeux, avoir jamais eu quelque chose que j'aurais maintenant perdu par mes erreurs. J'ai toujours été en dehors de son cadre, m'efforçant de l'y rejoindre, creusant ma névrose, creusant ma propre tombe. Le choix même de ce que j'ai décidé de faire à l'université est une tangente qui met mal à l'aise ma mère, et lorsque je dis "je vais étudier la psychologie", elle rit nerveusement, pour montrer qu'elle ne croit guère à la consistance de ma décision, sûrement pour se protéger, et pour retrouver un semblant d'emprise sur moi.
Comme lorsqu'elle m'a demandée au restaurant quelques jours plus tôt ce que j'ai appris de ma psychanalyse. La seule réponse qui m'est venue, rageuse est que c'est elle qui aurait dû être elle à ma place, dans ce cabinet, sur ce fauteuil, vingt ans plus tôt.

Je n'ai rien dit, je n'ai pas son indécence, après tout.