vendredi 14 décembre 2007

Subway

Pour reprendre Coelho, il y a quelque chose en moi qui conspire à la chute.

Dans 20 ans, je serai une femme aux cheveux blonds peroxydés, qui ignorant qu'elle n'a plus les seins de sa jeunesse, portera sans soutien-gorge des tops atrocement moulants, aux couleurs criardes, des jeans taille basse laissant déborder la graisse, comme une rivière de lave.

J'aurai tout essayé des anti-dépresseurs à la cocaïne. Je serai amère.

Je penserai à ce jour où lisant par dessus l'épaule d'un homme dans le métro, j'ai eu l'assurance de ce destin morbide.

Etalant plusieurs feuillets sur ses genoux, il s'attache à faire ses devoirs.

Marine a 12 ans, elle a des difficultés à l'école en mathématiques, mais est une élève sérieuse, elle aime s'habiller avec soin. Son père est docteur et sa mère est employée dans une agence de publicité. Elle aime monter à cheval.

Françoise a 54 ans, elle est professeur de technologie, elle vient d'avoir un rdv avec un cancérologue. Elle fait en sorte d'être toujours à la pointe de la mode. Son unique fille se marie dans trois jours... Mais son mari est malade.

Jean-Paul a 21 ans, il connaît la galère en étant guitariste dans un groupe de rock français. Il est au chômage. Il aime l'espagnol et la littérature.

Imaginez la personne qu'ils seront dans 20 ans. Je m'y essaie.

Marine a 22 ans, elle s'amuse à déchiffrer les méandres que produit la fumée de sa cigarette. La musique festive qui s'écoule de l'appartement d'à côté n'a qu'une incidence vague sur elle. Elle a froid surtout. Elle pleure surtout. La vie n'est pas aussi bien réglée qu'un corps. Elle veut enfouir sa tête dans l'oreiller et arrêter de respirer. S'endormant sans écraser sa cigarette, elle brûle vive avant que les pompiers soient arrivés.

Françoise a aujourd'hui 74 ans, elle a renvoyé son cancer d'où il venait, aux confins du hasard et des approximations génétiques. Sa fille a deux charmants enfants dont elle s'occupe beaucoup. Ils lui font vivre une deuxième jeunesse, surtout l'aînée qui a 15 ans, elle retrouve en elle ses émois d'antan, en illuminations chétives, et en remercie Dieu dans un soupir émerveillé.

Jean-Paul a 41 ans, il a pris autant de poids que d'années, de ce post-adolescent à l'allure grâcieuse, il ne reste rien. D'ailleurs, les personnes de son entourage ignorent qu'il y a quelques années en arrière, on le surnommait encore Rimbaud. Si on leur disait, elles exploseraient sûrement de rire. On voit en lui avant tout un homme fat, un homme qui a réussi. Vins capiteux et belles filles. Il siège à la Star Académie 274.

Il y a un autre exercice.

Aujourd'hui, je vis dans une grande ville, je travaille seulement 15h par semaine, quand je rentre chez moi, je mange des plats surgelés. Par ma fenêtre, je vois des tours. Mon appartement est moderne. Je ne mets pas le chauffage parce que je n'ai pas assez d'argent pour le payer. Alors j'ai froid.

Continuez la phrase selon vos envies, en employant cependant des verbes au futur simple.

Demain, je vivrai en Provence...

Je ne peux pas me défendre de l'idée qu'il n'y a rien de plus cynique de la part du quelconque organisme social qui est derrière tout cela que d'obliger ses brebis égarées à faire fonctionner la machine à fantasmes, de les obliger à rêver alors qu'il n'a rien à leur offrir si ce n'est la preuve de leur vide existentiel.

Et l'homme me faisant écho écrit :

Demain je vivrai en Provence, je serai riche, je n'aurai pas besoin de travailler, j'aurai une tour HLM pour moi tout seul, j'aurai chaud, je serai mort.

9 commentaires:

mlys a dit…

J'aime bien ...j'ai le sourire ne te lisant. Je pense à toi même si le silence est plus fort ces derniers jours. Bon week end ! Bisous de Paris.

Anonyme a dit…

Mais le rêve, c'est le point de départ de tout projet... non?
:-)

Julie a dit…

Dans 20 ans.
Je vivrai pas en Provence.
Mais je serai exactement là où je veux être. Je le sais.

émi a dit…

Mlys > Pas de silence entre nous, poulette, juste une parenthèse, le temps de reprendre son souffle ;)

Ardalia > C'est pas faux... C'est juste que je cherchais l'absurdité, et que - cool - elle était pas bien loin...

Lily Lune > où ça, dis ?

Bip bip et coyote corporation a dit…

Oui, on peut passer son temps a rever sa vie au lieu de consacrer son temps a réaliser et vivre ses reves.

pititisa a dit…

Je serai morte, oh grande libération qui peut rendre le sourire.

émi a dit…

Bip Bip > Et sinon tout va bien au pays des bisounours ?

Isa > Aaaah ma loute... On se comprend toi & moi ;)

Anonyme a dit…

Je te raconterai ça bientôt...:)

Bip bip et coyote corporation a dit…

pkoi bisounours?