lundi 22 octobre 2007

The Story Of My Life (4)


18.11.2006



Je me balançais sur ma chaise. Mais la chaise ne suivait pas. Je me suis donnée l'impression d'être une adolescente américaine en proie à une crise de nerfs, si j'avais eu les cheveux longs, je me les serais peut-être arrachés. Histoire de rajouter du piment à la chose. J'étais enfermée là, depuis combien de temps finalement? Quelques minutes tout au plus? Je me sentais déjà oppressée. Une salle d'attente froide comme il se doit. Avec des affiches publicitaires géantes au mur. "Violences Conjugales, appelez, c'est un numéro vert". Ma mère regardait de côté, les yeux rivés sur un point fixe. Il y avait quelque chose d'insondable dans sa façon de se tenir. Un vide arrachée à la peine, je pense. Quelques minutes auparavant, elle m'avait intimée de me la fermer. Je babillais de tout et de rien, riais un peu trop fort, j'imagine. Ce n'était pas vraiment décent, même pour moi-même.


-Mlle...hum... Soliquet Maëva, pourriez vous venir, s'il vous plaît?


L'infirmière sur le pas de la porte venait de trouer le fil de mes pensées. Démunie, je me levais. J'intimais à ma mère de ne pas bouger d'un simple geste. Là où j'allais, je serai seule, et je ne voulais pas que cette sensation soit exacerbée par sa présence. Elle a délibéremment ignoré ma volonté muette et s'est levée à ma suite. L'infirmière a déballé son lot de questions, beaucoup plus précises que celles du policier qui m'avait reçue la veille. Elle semblait faire preuve d'une véritable compassion à mon égard. Pourtant, il y avait quelque chose en moi qui me disait que c'était impossible. Elle devait pouvoir sentir les aspérités de la souffrance, pouvoir contourner certaines choses, elle avait dû apprendre à épouser les corps tuméfiés, brisés de ceux et celles à qui elle avait affaire... Elle devait pouvoir distinguer l'horreur du viol, comme un soleil derrière de multiples nuages, qui aurait affranchi l'un de ses rayons par moments... J'ai répondu machinalement à toutes ses questions, parfois je butais un peu, quand je n'arrivais pas vraiment à comprendre ce qu'elle attendait de moi. J'étais une immense interrogation. Je voulais savoir qui j'étais, qui j'étais maintenant, pour être assise dans ce bureau, pour raconter cette histoire, qui semblait appartenir à une autre. Elle m'a dit que le docteur allait me recevoir, et je me suis retrouvée sur la même chaise, immobile cette fois-ci. Le regard mouvant. Il y avait un homme dont le visage était ravagé, marqué de plusieurs coups, des bleus, des plaies, le visage rouge d'avoir trop pleuré. Nos yeux se sont rencontrés. Et les siens semblaient me demander si nous faisions partie du même monde maintenant, de ce même endroit où la violence était la seule et unique résonnance, l'ultime écho de notre innocence pulvérisée. J'ai détourné la tête, j'avais envie de dire non, parce que je ne pouvais pas non plus dire oui.


Le docteur a prononcé mon nom, je l'ai suivi dans un long couloir. Il y avait une interne avec lui. Je me suis un peu déshabillée. Il faisait froid, horriblement froid. Tout mon corps a frisonné et je me suis sentie vaciller intérieurement. "C'est douloureux, ici? Et, ici?"


J'ai répété encore.


En regardant par terre.


Moins d'empathie, le regard technique, scientifique, objectif. Froid, professionnel. Ca m'a fait du bien, peut-être parce que ça rendait les choses plus réelles ou plus irréelles, je ne sais pas.


Nous avons marché le long du couloir, les murs en béton nus me glaçaient le sang, comme si j'avais pénétré dans un endroit interdit, où il se serait déroulé des recherches scientifiques étranges et éthiquement condamnables.


Ca devait être ça, oui, je devais être en pleine science-fiction.




4 commentaires:

Unknown a dit…

hey tatie...ce texte me rappelle quelque chose.
Tu l'as retravaillé n'est ce pas?...en tout cas je trouve le tout beaucoup plus fluide qu'à la première lecture.
Peut être que tu as changé quelques éléments, ou peut être que je n'avais pas lu dans de bonnes conditions la première fois.
En tout cas, voilà je voulais te faire la remarque.
bisous

ta nièce

émi a dit…

inès > Quelle mémoire!

Effectivement c'est un texte que j'ai écrit y'a au moins 6 mois et que j'ai retravaillé... Comme tous les textes de ces "Story Of My Life" qui constituaient au départ le début d'un roman... Que je ne finirai jamais, ayant plus envie de m'essayer à romancer une fiction plus distanciée que celle que je fantasme de ma propre vie.

Bisous à toi, essaie de te reposer un peu!

(Tatie)

Bip bip et coyote corporation a dit…

Roman? est ce celui que je pense qui est ou l'autre d'avant? mdr

émi a dit…

Bip Bip > euuuuh ... sûrement. ^^'